• CHAPITRE 4: CAMERI HEDERA

     

      
    PETIT PASSAGE PAR L'ANACHRON, CHEZ CAMERI, PASSEUR MAUDIT . C'EST LE CALME AVANT LA TEMPETE, CAR BIENTÔT L'ANACHRON SERA PRIS D'ASSAULT !
    ATTENTION, L'ENDROIT REGORGE DE SURPRISE ET Y VIVRE PEUT SE REVELER DANGEREUX !

     

     

     

        cameri dans la bibliotheque La géographie du monde avait quelque peu changé depuis deux siècles mais elle restait, en dehors des bouleversements climatiques et politiques, encore relativement reconnaissable.

     

         Le globe avait été re-découpé en plusieurs zones de tailles assez disparates en fonction de la concentration de population et non des frontières. Dans l’hémisphère Nord principalement cerné de désert, ne se trouvait qu’une seule grande zone et dans cette zone regroupant plusieurs cités une seule dépassait tout juste les cent mille habitants : la cité 0125.

         Automobiles et autres véhicules individuels avaient presque totalement disparu de la circulation, on s’y déplaçait en underbus, en train ou en métro. Tous ces réseaux souterrains avaient vidé les rues et les avenues des feux rouges, panneaux de signalisation, marquages au sol, garde-corps et potelets disgracieux en dehors de quelques artères principales où circulaient encore quelques antiquités bruyantes.

     

         La cité faisait face à l’océan et on pouvait voir depuis ses quais, l’ombre de l’île dévastée et de sa tour se découpant à l’horizon. A quelques bâtiments de là, dans un quartier industriel un peu sulfureux mais pas des plus dangereux se dressait le fameux Anachron. Les Aes qui donnait cette couleur cuivrée à la ville, n’avaient pas épargné sa façade de brique qui s’élevait sur trois étages entre deux hangars désaffectés.

         Tandis qu’à l’ambassade Nord, Joseï tentait de convaincre son auditoire du danger que représentait le passeur de l’Anachron, ce dernier se balançait tranquillement chez lui sur un rocking-chair métallique grinçant installé près de la fenêtre principale du rez-de-chaussée au beau milieu de la petite salle de bar encore vide.

         Cameri allait sur ses trente deux ans, de taille moyenne, le teint halé, les cheveux noirs et balayés en arrière, une silhouette avenant et souvent vêtu de sombre, il n’avait rien de bien terrifiant sauf peut-être l’expression de démence qui passait parfois dans ses yeux noirs. Mais ce jour là dans ses yeux qui scrutaient attentivement la rue et la cour intérieure derrière les vitraux qui laissaient entrer des flots de lumière, ne se lisait qu’une profonde déception. Dans un coin, sur une caisse de bois restaurée grossièrement, un vieux gramophone couleur d’or et d’ivoire, jouait presque en sourdine un vieil air de rock psychédélique.

         Le comptoir et les tables zingués avaient été lustrés, une seule table avait été dressée avec une nappe blanche et quelques gâteaux secs, mais tout ça n’était qu’une apparence. Outre les appartements de Cameri situés en face la petite salle de bar, l’Anachron s’étendait sur plus de cinq cent mètres carrés accessibles aux seuls habitués qui s’y trouvaient préservés de l’ambassade et de ses agissements douteux.

         Après l’apparition de la tour et les caprices d’Ircadès, les nouveaux venus égarés de toutes races, espèces et genres confondus y avaient trouvé refuge. L’Anachron était très ancien et s’était intégré à la ville au fur et à mesure de sa construction. Son existence remontait à la nuit des temps.

         Aujourd’hui la passe restait une véritable légende mais le monde s’était pacifié, son utilité avait décliné et Cameri restait le gardien d’un lieu de légende et de mystère qui bientôt serait son tombeau. Pour autant, il n’était pas prêt de capituler devant la malédiction qui le menaçait car il avait une piste, des indices et même un début de solution. Il ne lui manquait plus que les bonnes personnes.

         Comme Joseï, il s’intéressait de près à Fauste et elle était la prochaine sur sa liste. Malheureusement, elle ne lui facilitait pas la tache et restait insaisissable.

         Seulement voilà, elle ne passa pas la porte d’entrée ce jour là comme il l’espérait.

         Il avait la certitude que cette fille faisait partie de la solution qui lui permettrait d’éviter le tragique destin qui l’attendait. Le temps lui était compté et ce nouvel échec le mettait sur les nerfs.

         Comme ses parents et la quasi-totalité de ses ancêtres, il était voué à côtoyer le drame de près. La seule indication que possédait la famille Hedera, en plus de l’histoire de l’Anachron lui-même, était une phrase dont elle avait fait sa devise : « Réunir et lier les égarés ».

         Le père de Cameri avait fait de nombreuses recherches sur la malédiction et la devise de l’Anachron et avait légué à son fils unique de nombreux carnets retraçant ses découvertes.

         Au fil du temps, Cameri était arrivé à la même conclusion que son père, à savoir que « les égarés » désignait en fait les Esprits anciens seuls survivants d’Eïae et il s’était alors mis en tête de s’entourer de personnes susceptibles de l’aider dans sa quête. Hélas, le seul de ces Esprits anciens qu’il avait pu débusquer jusqu’à présent était Arkhel et il était venu de son plein gré.

         Quelques temps avant sa mort, le père de Cameri avait repéré un autre esprit ancien, une femme dont il donnait une description assez précise : regard vert d’eau, pupilles vert sombre, cheveux vermeils, peau irisée. Fauste correspondait à cette description si ce n’est pour la peau, détail que Cameri n’avait pas pu vérifier faute d’avoir pu l’approcher d’assez près. Bien qu’il la jugea trop jeune pour être la femme dont son père avait suivi les traces, il disposait à l’Anachron de grimoires et autres vieux bouquins dans lesquels se trouvaient des textes décrivant exactement de la même façon les descendants des seigneurs d’Elsayaën, enfants d’Ircadès. Il en avait donc conclu que Fauste en faisait forcement partie et donc était un Esprit ancien, dommage que la convaincre de se joindre à l’Anachron ne soit finalement pas à l’ordre du jour. Cameri avait pourtant tout essayé y compris faire jouer son vaste réseau de connaissances, c’est ainsi que l’un de ses informateurs lui avait assuré connaître un moyen de la contacter - moyennant quelques billets - Cameri avait tenté le coup et attendait ce jour même une visite de la jeune femme.

          Quelque part dans l’Anachron, troublant cette fin de journée paisible, un bébé pleurait. Cameri laissa le vieux reflex pendouiller lourdement sur sa poitrine et arrêta de se balancer. Il se leva en soupirant bruyamment et se dirigea vers le comptoir, boitant légèrement et se déplaçant avec une certaine lourdeur, le passeur laissait sur son passage une odeur d’after-shave à deux sous.

         L’air embaumait, la cannelle, la cire d’abeilles, le musc et l’alcool doux. Un peu partout sur les murs, tout étage confondu, s’étalaient les clichés du patron, rarement encadrés, tout juste collés ou simplement punaisés. Mais malgré tous les efforts de Cameri, il flottait encore quelque chose de sombre, mystérieux et un peu glauque dans l’atmosphère.

         Le gramophone crépitait dans le vide, le tic-tac du balancier d’une grosse horloge art nouveau emplissait l'air tandis que le plancher craquait sous ses pas irréguliers du passeur. Cameri eut juste le temps de se servir un verre avant les pleurs lointains de l’enfant ne redoublèrent d’intensité. Il reposa sa coupe sur le comptoir, le regard vague. L’enfant, un petit garçon tout juste né et nu comme un ver avait été abandonné sur le pas de sa porte il y a trois mois et sa mère demeurait introuvable malgré les recherches que le passeur avait entreprises. Arkhel avait insisté pour ne pas lui donner de nom mais le passeur maudit avait fini par le baptiser Gabriel. Résigné à ne jamais avoir ni femme, ni enfant dans l’espoir vain que la malédiction s’arrête avec lui, il niait farouchement s’être attaché au bébé mais en vérité, à peine l’avait-il découvert sur le seuil de l’Anachron et l’avait il pris dans ses bras qu’un lien profond s’était crée entre eux.

         Cameri attendit un peu espérant que Gabriel se calme de lui-même, mais il n’était pas le seul enfant de la passe à gérer, discrètement une fillette de six ans environs sortit d’une pièce voisine. Elle avait de longs cheveux blonds tressés et de jolis yeux sombres, elle s’appelait Hediy. Son père, un magicien vivait également à l’Anachron mais disparaissait régulièrement plusieurs semaines. Sous les yeux de Cameri, Hediy traversa la pièce sur la pointe des pieds en retenant un rire, ses cheveux et sa robe pleins de farine. Le passeur grommela quelque chose et leva les yeux au ciel avant de se resservir un verre.

         De mauvais poils et frustré, Cameri prit la décision de ne pas ouvrir le bar. Il quitta le comptoir de la petite salle pour se rendre à la cuisine située juste derrière et constata les dégâts qu’Hediy avait causés : de la farine et de la pâte du sol au plafond et un moule débordant dans le four. Le passeur arreta le programme de cuisson automatique puis s’occupa de charger un plateau avec le nécessaire pour Gabriel: biberon, lait, etc.

         En repassant par la petite salle de bar, il prit une bonne bouteille de vieux whisky pour lui et les bras chargés, gagna ses appartements.

         Cameri traversa son salon et se rendit directement à la bibliothèque mitoyenne de sa chambre et de celle de Gabriel. Le bébé pleurait toujours, Cameri posa son plateau sur un guéridon et boita jusqu’au berceau. Dès qu’il l’entendit arriver Gabriel se tut et se mit à gazouiller, ses cheveux bruns déjà long pour son âge et ses grands yeux bleus lui donnai un air désarmant qui chassa vite la mauvaise humeur de Cameri. Le passeur le prit volontiers dans ses bras et l’emmena jusqu’à la bibliothèque où il s’installa avec lui dans un grand fauteuil.

         Gabriel vida son biberon d’un trait, Cameri ne s’était jamais occupé d’enfant avant lui mais il s’en sortait très bien. Ce qu’il gérait avec moins de brio c’était sa propre situation.

         Une fois l’enfant rassasié, Cameri le cala sur l’un de ses bras et entreprit de se servir un verre de sa main libremais un frisson glacé l’arrêta. Suspendant son geste, il attendit, puis soudainement un livre se délogea de la bibliothèque et traversa la pièce pour atterrir à ses pieds.

         « Ok, soupira Cameri. Voyons voir... « La Tour » ? Je l’ai déjà lu celui-là », se moqua-t-il.

         Le livre s’ouvrit sans même qu’il l’ait touché et s’arrêta sur la dédicace de l’auteur.

         « « A Iselaure et tous les autres disparus... « ».

         Cameri termina de se servir et bu une grande gorgée avant de chasser le livre du pied.

         « Pour une fois ce serait bien que vos coups de pouce, cher ami invisible, me concerne moi. Que voulez-vous que je fasse pour l’expédition perdue ? Ils sont entrés dans la tour les premiers et ils y sont restés c’est malheureux mais c’est ainsi. Où qu’ils soient ça fait deux siècles et ils... »

         Quelque chose frappa deux grands coups et une dizaine de livres se mirent à traverser la pièce.

         « Eh, au cas ou vous n’auriez pas remarqué, il y a un bébé ici ! », protesta le passeur.

         Le phénomène cessa, seul un carnet atterrit au pied du passeur qui ne prit pas la peine de le lire et se servit un second verre.

         « Levez-moi cette malédiction, ensuite je sauverai qui vous voulez », grommela-t-il.

     

     


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  • Commentaires

    1
    Kiru Loup Profil de Kiru Loup
    Jeudi 24 Septembre 2009 à 15:56
    J'aime beacoup tes descriptions, elle plante un décors assez précis et je trouve ça trop fort. Continue et moi je lis... XD
    2
    Vendredi 25 Septembre 2009 à 21:54
    Héhé, merci ^^
    La suite est déjà écrite, les prochains chapitres arrivent !
    3
    Meryhl L. Jefferson Profil de Meryhl L. Jefferson
    Vendredi 30 Octobre 2009 à 09:02
    Bonjour Lilluscrivaine, je profite d'un peu de répit pour venir te voir, enfin, ça faisait un bail... Ce passage me plaît particulièrement, avec le contraste des lieux, la personnalité à la fois détachée et charismatique de Cameri, la prophétie, et la petite scène humoristique permettant de dédramatiser la malédiction et l'impact qu'elle a sur Cameri... j'aspire à connaître davantage Cameri, Hediy et Gabriel... mon petit dernier, qui a trois mois, s'appelle Gabriel ! Ce petit orphelin annoncerait-il quelque chose ? Je repasserai lire la suite, à plus tard !
    4
    Jeudi 26 Novembre 2009 à 10:24
    Oui, Gabriel malgré son âge a un rôle important...tout comme Hediy. En fait les enfants de l'Anachron, sont tout aussi spéciaux que les autres habitants...
    Mais vous le découvrirrez plus tard !
    5
    Meryhl L. Jefferson Profil de Meryhl L. Jefferson
    Jeudi 10 Décembre 2009 à 14:03
    Merci de votre passage, L'illuscrivaine. Je vous sohaite une bonne fin de journée, je ne viens plus souvent mais je ne vous oublie pas !
    6
    Meryhl L. Jefferson Profil de Meryhl L. Jefferson
    Mercredi 23 Décembre 2009 à 18:23
    Bonnes fêtes et Joyeux Noël !
    7
    Meryhl L. Jefferson Profil de Meryhl L. Jefferson
    Jeudi 31 Décembre 2009 à 11:51
    Bonne journée et bon réveillon ! Tous mes souhaits de bonheur, de santé et de réussite pour cette nouvelle année !
    8
    Jeudi 31 Décembre 2009 à 20:09
    Merci beaucoup Furiae, à toi aussi !
    9
    Meryhl L. Jefferson Profil de Meryhl L. Jefferson
    Mercredi 24 Février 2010 à 10:04
    10
    Mardi 1er Mars 2011 à 20:09

    J'ai du retard : il y en a des chapitres à lire !

    11
    Mercredi 2 Mars 2011 à 08:19

    Hé oui !


    C'est pour ça que j'attend un peu pour poster le reste, ça me permet d evoir jusqu'où les lecteurs accrochent... ^^

    12
    Mardi 5 Avril 2011 à 18:53

    :-) coooolll, j'ai hâte que Cameri rencontre Fauste. mais pinaize, comment fais-tu???
    Juste un tout piti truc, c'est écrit dans une taille plus petite qu'avant; j'ai du cligner des noeils... ;-). Puis un oublie de mot dans le § qui commence par "De mauvais poils et frustré, Cameri..." "Le passeur * le   programme sur...".
    Voili :-)

    13
    Mardi 5 Avril 2011 à 19:21

    Merci! J'ai fait les modifications d'après tes remarques ^^

    j'ai parfois des problèmes d'éditions de texte, des couleurs ou des tailles qui ne veulent pas changer ou alors certaines partie oui et d'autres non. Je pense que ça vient de mon navigateur, je vais essayer de poster le prochain texte avec firefox, ça devrait éviter ce genre de bourdes !

    Comment je fais ? Je sais pas mais j'arrive régulièrement à me filer la migraine et je bois beaucoup de café ( enfin à l'époque où j'ecrivais l'histoire, je me desintox maintenant ^^)

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    14
    Mardi 5 Avril 2011 à 20:00

    impec!

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